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Opinion :Quand un discours de politique générale cache la réalité !

C’était le mercredi, 27 juin 2018, au Palais du Peuple, siège de l’Assemblée nationale, devant la représentation nationale (députés), les représentations diplomatiques et consulaires, les membres du gouvernement, les amis et alliés que le nouveau premier ministre a tenu son discours de politique générale.
Je ne sais combien de temps ce discours long de vingt sept pages a été lu mais je sais et je suis convaincu que ce discours est comme le dit Gilles Abadie: « le calme avant la tempête mais la tempête n’est que le bouillonnement final de tout ce qui a mijoté dans le calme ».
Après une longue litanie sur le PNDES, sur son bienfaiteur président Alpha CONDE, cet homme « d’une grande dimension », par qui il a été promu à ce prestigieux poste de premier ministre, lui, issu de modestes conditions sociales. J’utilise ses mots pour illustrer ses conditions sociales : « Un fils et petit fils de paysan de la lignée d’imams de mosquée (…). Absolument rien, dans mes conditions sociales de départ, ne laissait deviner que je ferais autre chose que des études coraniques et le travail champêtre. Par la force du travail, aussi avec peut être un peu de chance, il m’a été possible de m’élever, d’avoir le parcours qui a été le mien, et de renverser ainsi le cours souvent implacable des modestes destins. Je voudrais lancer un appel aux jeunes de Guinée. Je leur demande d’avoir la foi, de croire en leur destin et de ne jamais laisser aucun déterminisme social ou ethnique, les empêcher d’accomplir leurs rêves. Le succès est au bout de l’effort. ».
J’ai eu comme la plupart d’entre vous, je suppose – qui ont eu l’occasion d’écouter ce discours ou de le lire – un moment de frisson et de compassion pour cet homme qui vient de loin et qui avait si durement, si péniblement et si courageusement travaillé est enfin si bien récompensé par son effort.
Sauf qu’après ce spasme de compassion qui me traversa, j’ai vite réalisé l’arnaque et le mensonge qui se cachait derrière ce discours de conditions modestes. Pour qui connait un peu le Moriah, et son organisation sociopolitique historique, un enfant issu de la lignée des imams n’est pas de conditions modestes. Cet enfant a plus de chance qu’un autre enfant de même âge issu de caste inferieure car en réalité ce problème bien que tu et occulté- il existait et existe encore des familles privilégiées- dont la sienne – à cause de leur rang social et qui ont et avaient plus de terres, de champs, de bétails et autres plantations que d’autres. C’est une posture de certains politiques pour montrer leur proximité avec la population mais c’est une façon aussi je pense de se donner bonne conscience face à toute cette misère ambiante qui submerge leur environnement et dont ils sont en partie responsables.
Sauf qu’après ce spasme de compassion qui me traversa, j’ai vite réalisé l’arnaque et le mensonge qui se cachait derrière ce discours de conditions modestes. Pour qui connaît un
peu le Moriah, et son organisation sociopolitique historique, un enfant issu de la lignée des imams n’est pas de conditions modestes. Cet enfant a plus de chance qu’un autre enfant de même âge issu de caste inferieure car en réalité ce problème bien que tu et occulté- il existait et existe encore des familles privilégiées- dont la sienne – à cause de leur rang social et qui ont et avaient plus de terres, de champs, de bétails et autres plantations que d’autres. C’est une posture de certains politiques pour montrer leur proximité avec la population mais c’est une façon aussi je pense de se donner bonne conscience face à toute cette misère ambiante qui submerge leur environnement et dont ils sont en partie responsables.
Il est regrettable que ce modèle soit de plus en plus mis en péril par ceux là même qui eurent le privilège d’en bénéficier or rien « Absolument rien» à en croire notre premier ministre ne les prédestinaient à ses plus hautes fonctions.
Il est clair que depuis l’accession de M. Alpha Condé au pouvoir, la pratique de la reproduction sociale s’est considérablement intensifiée comprendre par : « une pratique sociale relative à la famille, consistant à maintenir une position d’une génération à l’autre par la transmission d’un patrimoine, qu’il soit matériel ou immatériel ». Pour faire simple un fils de pécheur a statistiquement plus de chance de devenir pécheur. Et ce gouvernement « proche du peuple » de même que ces prédécesseurs, nous en donnent la preuve et tout est fait pour maintenir cette situation par la mauvaise qualité de l’enseignement et l’abandon de l’école et les universités. La promotion aux postes de ministres et autres hautes fonctions des « héritiers » est révoltante et cela devrait interpeller la population à exiger une meilleure gouvernance et plus d’équité.
Le premier ministre affirme dans son discours que le premier devoir de l’homme politique du monde contemporain est de dire la vérité. Et je partage son constat de vérité sur la situation de l’extrême pauvreté de la gouvernance du président Alpha et ses différents gouvernements où l’extrême pauvreté et les inégalités sociales se sont aggravées. Il est vrai la pauvreté et la mauvaise gouvernance de ce régime est une réalité. Cependant, le nouveau premier ministre s’engage à prêter « davantage attention à la réduction de l’extrême pauvreté… ». Mais comment et pour quand ?
M. le Premier ministre déclare que notre économie a repris « sa dynamique positive… ». Seulement, derrière cette déclaration d’autosatisfaction de façade et ses félicitations réitérées au chef de l’Etat pour son leadership pour avoir conclu avec le FMI une facilité élargie de crédit, confirmé le 18 juin 2018, les réalités de notre économie sont autres. C’est une économie en dérapage et aucun indicateur macroéconomique n’est sous contrôle en tout cas jusqu’à sa nomination et qu’elle dépende fortement des appuis financiers extérieurs des institutions financières internationales et des partenaires techniques et financiers bi et multilatéraux.
Par ailleurs, la mauvaise gestion et les crises politiques répétitives furent la cause du changement du précédent gouvernement. La vérité que le Premier ministre ne dit pas c’est le poids de la dette qui pèse sur le peuple et les futures générations – les prévisions (LFI 2018) pour les charges financières sont de 1264 milliards et l’intérêt de la dette externe de 341 milliards et la dette intérieure représente une proportion importante dans les charges financières. Et depuis 2016, la dette ne fait que s’accroitre d’où la mise en garde de la Mission du FMI en avril dernier ; la vérité qu’il ne dit pas c’est le taux de chômage endémique qui ne cesse d’exploser ; la vérité qu’il ne dit pas c’est le ralentissement de notre croissance économique qui était de 8% fin 2016 et devrait être autour de 6% pour cette année. Si notre premier ministre était honnête, il aurait donné les vrais chiffres sur la dette et les intérêts de la dette, le taux de croissance réel, le taux de chômage, le déficit, la balance de paiements, actualisés. La vérité qu’il ne dit pas devant les élus de la Nation est que notre taux de croissance n’impacte pas sur la réduction de la pauvreté. Il n’est pas suffisamment robuste pour améliorer les conditions de vie de la population. C’est une contre vérité de déclarer que notre pays s’est enrichi ses dernières années. Notre pays n’a dégagé aucun excédent budgétaire – recettes supérieures aux dépenses- depuis 2010. Notre budget est déficitaire de 2 220,3 milliards gnf (LFI 2018) et ce déficit ne fait que croître. Pourquoi alors si notre pays s’est enrichi les transferts sociaux aux plus pauvres sont reportés pour 2020 dans le cadre du partage de la prospérité ? Et le plus affligeant c’est qu’il nous parle de « ruissellement », expression à la mode, ruissellement synonyme de miette. Cela signifierait comme promis dans son discours de transférer 2% du PIB à partir de 2020 au plus pauvres et fragiles qui sont aussi les plus nombreux de notre pays. Les miettes n’ont sorti personne de la pauvreté. Le journal l’Obs du 29 septembre 2017 titrait à propos de cette théorie : « Une fable des années 80 » ; et pour Libération du 4 octobre 2017 : Enrichir les riches : La « théorie du ruissellement n’existe pas, mais inspire des politiques inefficaces ».
La vérité que le premier ministre ne dit pas c’est le laxisme et l’incompétence de leur régime dans la gestion du secteur minier. Un secteur qui constitue 90% de nos exportations et qui ne contribue pas à infléchir la pauvreté. Cette situation est inadmissible. Le premier ministre se contente de dénoncer l’optimisation fiscale qui est sue et connue de tous mais il ne s’offusque pas des conventions minières signées et des réductions drastiques des taxes et impôts des entreprises minières ; elles entretiennent des relations incestueuses avec les gouvernements successifs et les hauts dignitaires depuis 2010. J’ose espérer qu’il aura le courage d’agir rapidement dans ce secteur pour en faire un véritable levier de développement. La vérité qu’il ne dit pas c’est la mauvaise politique agricole du Président de la République. Des milliards engloutis inutilement dans l’agriculture sans aucun résultat significatif. La vérité qu’il ne dit pas c’est la démission de l’Etat dans sa mission régalienne première celle d’assurer la sécurité des citoyens et de leurs biens. La vérité qu’il ne dit pas c’est de ne pas reconnaître la responsabilité de l’Etat dans l’insécurité routière ; la route est devenue une menace mortelle permanente pour les usagers et personne n’est à l’abri. La vérité qu’il ne dit pas c’est la caducité de notre code des collectivités locales et le manque de volonté politique de faire de la décentralisation et du développement local une réalité. La vérité qu’il ne dit pas c’est l’état de déliquescence de notre système d’enseignement, le délabrement des infrastructures scolaires et universitaires, des programmes d’enseignement qui ne répondent plus aux exigences de formation et de compétences de notre temps et malheureusement la mauvaise gestion des énormes ressources allouées à ce secteur. La vérité qu’il ne dit pas c’est la transformation de nos hôpitaux et les structures de santé en mouroir. Et la gestion quasi privée de certains services de nos hôpitaux publics. La vérité qu’il ne dit pas c’est que la culture et le sport ne sont pas dans ses priorités et c’est dommage !
La volonté du premier ministre à reformer profondément la direction nationale des impôts et de digitaliser- dématérialiser- les procédures est une nécessité mais le plus important est de rendre notre système fiscal juste. Et la vérité que notre premier ministre ne dit pas c’est la prépondérance du secteur informel et il ne déclare rien à propos de ce secteur qui capte une frange importante de notre richesse nationale qui échappe au fisc. Il n’a proposé rien pour accélérer la formalisation de cet important secteur économique.
Je ne doute pas de la volonté de notre premier ministre à réussir sa mission et je suis heureux de le féliciter pour sa volonté d’innovation de la gouvernance en s’inspirant des bonnes pratiques réussies ailleurs – benchmarking – « un processus continu de recherche, d’analyse comparative, d’adaptation des meilleures pratiques pour améliorer la performance des processus dans une organisation ». Son discours en atteste par les différentes pratiques des politiques publiques appliquées dans les différents pays cités.
En outre , notre Chef de gouvernement déclare que : « rétablir l’autorité de l’Etat, c’est mener une lutte sans répit contre la corruption et promouvoir la bonne gouvernance ». Et compte dans cette perspective « mettre au centre de l’action gouvernementale pour traduire dans la réalité la vision du Chef de l’Etat… ». Noble et respectable ambition. Toutefois, comme nombre de guinéens, je me pose la question comment quelqu’un sur qui pèse depuis des années des soupçons de corruption et qui compte également au sein de son gouvernement des gens soupçonnés de corruption, peut-il lutter efficacement contre ce phénomène ? En attendant d’être éclairé sur cette question, je souhaite bonne chance au premier ministre dans sa farouche lutte contre la corruption et la promotion de la bonne gouvernance.

Mohamed Lamine Haidara

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