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Guinée : les grosses ficelles du pouvoir pour truquer le fichier électoral

A 5 jours du double scrutin législatif et référendaire, l’Organisation Internationale de la Francophonie a annoncé son retrait du processus électoral, notamment en raison des nombreuses irrégularités du fichier électoral. En analysant la composition du fichier utilisé par la CENI, de graves incohérences apparaissent. Révélations sur le délit de fraude électorale en cours.

En Guinée, le corps électoral dépasse la population en âge de voter

Première grande incohérence : le nombre d’électeurs enregistrés représente 62% de la population et place, de loin, la Guinée comme le pays de la sous-région ayant le plus grand corps électoral.

Dans les pays de la sous-région, le corps électoral représente en moyenne 40% de la population : 41.23% au Sénégal, 31% en Côte d’ivoire, 41.58% au Togo, 40.88% au Benin, 38.33% au Burkina Faso, 39.50% au Mali et 38.58% au Niger.

En se référant au fichier de l’élection présidentielle de 2015, on constate aussi que ce taux a connu un accroissement moyen de près de 30% entre 2015 et 2019 (en 4 ans) avec de grosses disparités entre les régions du pays.

Au-delà de ce chiffre tout à fait surprenant quand on sait que l’enrôlement sur les listes électorales a été réalisé en 3 semaines (au lieu de deux mois comme le prévoit le Code électoral), le plus ahurissant est le fait qu’en Guinée la catégorie des 0-19 ans représente 52% de la population (selon l’Institut National de la Statistique). La proportion de la population du corps électoral ne peut donc pas excéder 48% de la population totale.

Salif Kébé, président de la CENI, pour se défendre du retrait de l’OIF du processus d’observation a affirmé « Il n’y a pas de fichier électoral parfait ». Certes, mais présenter, en toute conscience, des chiffres aussi déconnectés de la réalité et arithmétiquement faux, ne relève pas de l’erreur mais bel et bien d’une manipulation délibérée.

Le corps électoral explose dans les fiefs du pouvoir

En décortiquant le fichier électoral, il est aisé de relever que toutes ces erreurs bénéficient au régime actuel.  Pour beaucoup, elles ont vocation à accroitre le nombre de faux électeurs dans les fiefs du pouvoir afin d’être apte à justifier des scores hors-normes tout en pénalisant l’opposition.

Les concepteurs de ce fichier ont permis à la seule population électorale de Kankan, fief du régime, d’enregistrer un accroissement de plus de 54% entre 2015 et 2019. Cette même progression est de 30% en moyenne pour l’ensemble du territoire. L’électorat de la région de Kankan est presqu’égal à la somme de l’électorat des régions de Boké, Mamou et Labé. Alors qu’elle ne représentait que 17% du corps électoral en 2015, elle passe ainsi à 20% en 2019.

La préfecture de Mandiana fait un bon de 10 places dans la répartition par préfecture de la population électorale, passant de la 18ème en 2015 à la 8ème place en 2019. Les préfectures de Siguiri et de Mandiana ont un accroissement de leur électorat de près de 80%, soit près de 3 fois la moyenne nationale. Sur les 6 préfectures qui font environ 40% d’accroissement, 5 proviennent de la Haute Guinée connue pour être favorable à Alpha Condé (Mandiana, Siguiri, Kankan, Dinguiraye, Kouroussa).

Le boum démographique de cette région comparativement aux autres est statistiquement inexplicable d’autant plus que les 2 régions qui constituent les poumons économiques du pays sont Conakry et Boké.

La Région de Mamou présente, elle, le taux d’accroissement le plus bas de 21,26% alors qu’il s’agit d’un fief de l’opposition.

De manière générale, accroître le nombre d’électeurs permet de répartir les votes après avoir opéré un gonflement des urnes. Par exemples, de nombreuses communes ont un corps électoral supérieur à leur population : Mandiana Centre a un corps électoral qui équivaut à 133,75% de sa population, Doko (Siguiri) : 104,78%, Kouriah (Coyah) : 102,07%.

Rappelons que lors de la période d’enrôlement, au cours d’une tournée en Haute-Guinée, Alpha Condé esquissait déjà ce qu’il attendait du fichier électoral : « Siguiri peut avoir un million d’électeurs. Ratoma et Matoto réunies ne font pas un million d’électeurs. Donc Siguiri seule peut faire plus que Ratoma et Matoto réunies si vous voulez. Mais ça, c’est le recensement. »

Ce fichier, totalement tronqué en faveur du parti au pouvoir, décrédibilise complètement le processus électoral en cours. Le retrait de l’OIF dudit processus met en évidence sa volonté de se dissocier de la mascarade électorale en cours qui s’apparente plus à une sélection qu’à une élection.

(Cet article est basé sur un document d’analyse de Diogo Baldé, Directeur adjoint des opérations de la CENI, et Marie Hélène Sylla, Directrice du département des Démembrements de la CENI)

mediapart

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