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FONIJ : des mutations disciplinaires sous couvert de réorganisation administrative ?

Le Fonds national pour l’insertion des jeunes (FONIJ) traverse une zone de turbulences.

Officiellement, l’institution justifie, ces dernières semaines, la mutation de plusieurs de ses agents vers l’intérieur du pays par une volonté de « réorganisation administrative ».

Une mesure apparemment anodine, mais qui suscite interrogations et vives réactions en interne. Plusieurs voix s’élèvent pour dénoncer ce qu’elles perçoivent comme une opération de représailles à l’encontre de personnels ayant récemment formulé des revendications salariales.

La décision, qualifiée de « brutale » par des cadres concernés, est intervenue dans un contexte tendu. « Aucune explication claire ne nous a été fournie. Ces mutations tombent comme une sanction après notre mobilisation pour de meilleures conditions de travail », confie, sous couvert d’anonymat, un agent réaffecté.

Les intéressés pointent du doigt l’absence de critères objectifs, regrettant un manque de dialogue en amont.

À l’origine de la crispation , une série d’augmentations de salaires jugées inéquitables au sein de la hiérarchie du FONIJ.

Selon plusieurs sources, le salaire du directeur général aurait doublé, passant de 13 à 26 millions de francs guinéens mensuels, tandis que celui de son adjoint aurait suivi la même courbe. Les chefs de service auraient également bénéficié de revalorisations substantielles, sans répercussions équivalentes pour le reste du personnel. Une disparité mal vécue par les agents de terrain.

Plus préoccupant encore, selon des documents consultés par notre rédaction , des tentatives ont été faites pour imposer de nouveaux contrats aux agents mutés, sous menace de rupture des accords précédemment en vigueur. Une manœuvre qui serait en contradiction avec l’arrêté conjoint AC/2023/4549 fixant les plafonds de rémunération des contractuels de l’État plafonds que certaines rémunérations au FONIJ semblent aujourd’hui dépasser.

« Le directeur général a agi sans l’aval du Conseil d’administration, ni celui du ministère de tutelle, qu’il a contourné avant de s’absenter pour raisons médicales », affirme une source proche du dossier. Le moment choisi, comme l’absence de concertation, nourrit la suspicion d’une volonté d’intimidation envers un personnel jugé trop revendicatif.

Interpellé, le directeur général du FONIJ, M. Abdourahamane Baldé, rejette toute accusation de représailles. Selon lui, ces mutations s’inscrivent dans une logique de déploiement territorial du fonds : « Le FONIJ est un fond d’insertion qui doit être présent partout où se trouvent les jeunes Guinéens. Il s’agit d’une démarche de proximité, pas d’une sanction », assure-t-il.
Il invoque également des contraintes budgétaires : « Nous avions obtenu un engagement budgétaire de 1,2 milliard, mais celui-ci a été réduit à 700 millions. Nous ne sommes pas les seuls concernés. D’ailleurs, ces ressources n’ont pratiquement pas été débloquées à ce jour, car l’État est en train de réorganiser l’ensemble du dispositif budgétaire, ce qui dépasse le seul cadre du FONIJ. Dans ce contexte, nous devons adapter notre organisation et aligner nos effectifs sur les projets disponibles. Certains agents ont été redéployés dans leurs préfectures d’origine pour assurer la visibilité des programmes. »

Le directeur général souligne enfin que les contrats signés par les agents prévoient expressément la possibilité de mutations. Il s’étonne des protestations, tout en dénonçant certaines pratiques internes : « L’exercice de la responsabilité publique exige un véritable engagement. Lorsqu’un travailleur a été rémunéré de 2023 jusqu’à fin 2024 dans le cadre d’un contrat qu’il a librement signé le contrat qui prévoit expressément la possibilité d’une mutation à l’intérieur du pays il est tenu de respecter ses engagements. Ce qui se passe, c’est que certains jeunes, protégés par des personnes qu’ils estiment influentes, restent trois mois sans travailler. Pourtant, dès qu’il y a une paie, ils se présentent, perçoivent leur argent et rentrent chez eux. Cette pratique est désormais terminée : au FONIJ, cela ne sera plus toléré. Depuis le mois de mars, ils ne sont pas payés. Cette situation ne concerne pas uniquement le FONIJ , elle est liée aux difficultés financières actuelles de l’État»

Mais pour les syndicats, ces explications ne convainquent guère. « Il s’agit clairement d’une opération d’intimidation visant à museler la contestation ,Comment peut-on muter des agents dans le cadre d’un projet dont le financement n’est pas encore acquis ? Comment peut-on envoyer des agents à l’intérieur du pays alors qu’ils ne sont pas payés depuis mars 2025 ? », réagit un représentant syndical, qui fustige « une atteinte grave aux droits des travailleurs », alors que la liberté d’expression et le droit de grève sont inscrits dans la Constitution guinéenne et protégés par les conventions internationales.

Plusieurs agents, contraints de quitter la capitale à la hâte, dénoncent également un impact personnel lourd : éloignement familial, rupture des équilibres de vie, isolement professionnel. « Ce mode de gestion autoritaire rappelle les pratiques d’un autre âge, où l’administration devenait outil de punition plutôt que vecteur de service public », déplore un cadre.

Alors que le FONIJ est censé porter une politique volontariste en faveur de l’emploi des jeunes, ces tensions internes pourraient nuire à sa crédibilité. Si les mutations venaient à se confirmer comme des réponses punitives à des revendications légitimes, cela marquerait un tournant préoccupant pour l’institution.
Dans un pays où l’emploi des jeunes reste un défi majeur, la gouvernance des outils dédiés à cette mission ne peut souffrir d’opacité ni d’arbitraire.

Abdoul latif Diallo
Journaliste d’investigation
Très très indépendant

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