Poursuivi pour des faits présumés de trafic international de drogue et écroué plusieurs mois au Camp Alpha puis à la Maison centrale de Conakry, Saturnin Bangoura, jeune frère de l’ex-Première dame Henriette Conté, a été acquitté par la Justice quelques temps après.
Dans une interview exclusive accordée à votre quotidien d’information générale et d’investigation Depecheguinee, il raconte les circonstances de son arrestation, se remémore de sa détention aux Services spéciaux en chargé de la lutte contre la drogue et le crime organisé alors dirigé par le Colonel Moussa Tiégboro Camara. Entrevue !
Depecheguinee : Présentez-vous à nos lecteurs !
Saturnin Bangoura : Je m’appelle Saturnin Bangoura, diplômé en économie à la Havane (Cuba).
Expliquez-nous les circonstances de votre arrestation en 2009.
J’ai été arrêté le 12 janvier 2009, quelquess semaine après la mort de mon beau frère, le Général Lansana Conté. On faisait le deuil quand un groupe de gendarmes a fait irruption chez moi à Kaporo dans les environs de 4 heures du matin, pour procéder à mon arrestation.
Quels sont ceux qui sont venus vous arrêter ?
Parmi le groupe, il y avait Tiégboro, Jimolo, Mansaré, Fabou Camara, Kalonzo, etc.
On nous apprend que votre domicile a été pillé pendant votre arrestation ?
Mon domicile a été pillé, vandalisé, vidé de son contenu par Tiégboro et ses hommes. Tous les objets de valeur qui se trouvaient dans ma maison ont été emportés. Ils ont emporté plus de cinq véhicules. J’avais deux Land Cruiser, une Volkswagen Touareg, une Mercedes SLK et autres. Finalement, c’est dans ma voiture Volkswagen Touareg qu’on transportait le riz de Dadis. C’était une Touareg de couleur bleue qu’ils ont repeinte en gris. C’est pendant notre jugement, après dénonciation, que le Procureur N’diaye les a sommés de ramener le véhicule. Le commissaire Fabou camara et Kalonzo roulaient dans mes Land Cruiser en ce temps.
Où étiez-vous détenu ?
Quand on m’a arrêté, j’ai été conduit au Camp Alpha Yaya dans la base de Anti-drogue de Tiégboro. On m’a fait monter au 2e étage où j’ai trouvé Mamady Kallo, et Kassus Dioubaté. J’étais donc la 3e personne à être arrêtée. Les cellules étaient remplies. Il n’y avait pas de place. Donc, on nous a menottés sur un lit, Mamady Kallo, Kassus Dioubaté et moi. On est resté assis jusqu’au matin. Le lendemain, on nous a envoyés derrière le bâtiment de Dadis. Là-bas, on était au rez- de-chaussée. Il y avait un grand salon et des chambres qui ont été transformées en cellules. Nous, on était détenus dans une des chambres, et l’autre chambre était réservée pour les présumés bandits. C’est quand ces bandits-là se sont évadés à travers la fenêtre de la douche interne, qu’ils ont commencé à nous enchaîner toutes les nuits. Même pour faire des besoins biologiques tu es obligé d’être accompagné avec ton partenaire enchaîné, qui va s’arrêter jusqu’à ce que tu finisses tes besoins.
On vous a vu à la télé devant Dadis où vous avez fait des aveux de culpabilité…
C’est Tiégboro et le Commissaire Fabou qui sont venus nous voir. Ils nous ont dit que nous devrions passer à la télé dans Dadis Show pour reconnaître notre participation au réseau international de trafic de drogue, pour que Dadis bénéficie de la subvention et du soutien de la communauté internationale. Ils nous ont dit qu’on n’avait pas le choix. Donc, c’était une question de vie ou de mort. On a accepté pour avoir la vie sauve. Et pendant le procès, on a été libéré par ce qu’il n’avait rien contre nous. C’était juste un règlement de compte.
Avez-vous connu l’existence d’un conteneur à l’Anti-drogue qui servait de cellule ?
Vous savez, il y a eu affrontement entre les bérets rouges et les hommes de Tiégboro. Le régiment ne supportait pas le fait que les hommes de Tiégboro soient aussi coiffés de bérets rouges. Et ce jour, ils se sont accrochés à la Présidence. C’est après cet incident que le service Anti-drogue a été délogé dans l’enceinte de la Présidence. Ils se sont installés à la sortie du camp vers Yimbaya, en face du Collège Camp (Sahara), dans le bâtiment B12. Il y avait un conteneur dehors. Et c’est dans ce conteneur qu’on mettait les plus récalcitrants, ceux qui refusaient de parler étaient jetés dans ce conteneur pour les aveux. Il y avait une chaleur indescriptible dans ce conteneur. Vers midi on entendait des cris des détenus tellement que la chaleur qui était dedans était insupportable.
Avez-vous personnellement passé un temps dans ce conteneur ?
Non, mais d’autres parmi nous ont séjourné dedans, comme Soumah le neveu du Général Conté et ses amis. Ils ont passé un sale temps dans ce conteneur.
Vous êtes resté pendant combien de temps chez Tiégboro ?
On avait passé trois à quatre mois de détention chez Tiégboro avant d’être déférés à la Maison centrale de Conakry.
Vous avez pu récupérer vos objets ?
C’est en 2015, j’ai réussi à récupérer quelques voitures qui étaient complètement délabrées. Mais pas les autres objets.
Interview réalisée par Abdoul Latif Diallo
Journaliste d’investigation