« Pour la lutte contre la corruption, ma main ne tremblera pas », clamait fièrement le président Mamadi Doumbouya dans son discours de fin d’année.
Une déclaration solennelle qui, à l’épreuve des faits, a trouvé sa limite… au poignet. Car oui, la main présidentielle tremble bel et bien, mais seulement quand il s’agit d’approcher certains dossiers trop sensibles ou trop proches du cercle restreint du pouvoir.
Le cas du détournement présumé de 280 milliards de francs guinéens au sein de l’ARPT (Autorité de Régulation des Postes et Télécommunications) illustre à merveille cette anticorruption à géométrie variable. Les preuves détaillées, documentées, presque pédagogiques.
Les coupables présumés Silencieusement ignorés. Il faut dire que l’affaire touche de près quelques figures inapprochables , Djiba Diakité, président du conseil d’administration de l’ARPT, et Ousmane Doumbouya, mentor du directeur général de l’institution, Mamadi Doumbouya, et accessoirement… proche du chef de l’État.
On comprend alors mieux cette étrange règle non écrite , pour détourner en toute sérénité, mieux vaut ne pas oublier la part des amis du Palais. Le crime est permis, pourvu qu’il soit bien partagé.
Pendant ce temps, d’autres citoyens moins chanceux, moins bien connectés croupissent à la Maison centrale sur simple soupçon. Justice rapide pour les uns, indulgence éternelle pour les autres.
Le DG de l’ARPT, lui, ne se cache même plus, il se vante haut et fort d’avoir le soutien présidentiel. Un blanc-seing pour continuer, sans encombre, à faire main basse sur les caisses publiques.
Il pousse même l’audace jusqu’à saboter les réseaux d’opérateurs concurrents comme Orange ou Mouna, débranchant quelques câbles au passage pour favoriser sa propre société, Sky Vision.
Un régulateur à la tête d’une entreprise privée opérant dans le même secteur qu’il est censé contrôler , une fable guinéenne en guise de politique publique.
Par ailleurs, la tentative d’arrestation du directeur du Fonds minier (lequel n’est autre que le frère du général Amara Camara) Cité dans une affaire de détournement de plusieurs milliards au Fonds minier , a été, sans surprise, stoppée net. Le général Balla Samoura, visiblement , s’est prudemment abstenu.
Quant au directeur des Douanes, au président de la Cour constitutionnelle ou encore aux anciens dignitaires, tous sont derrière les barreaux.
Leur tort est de ne pas appartenir à la bonne tribu, celle des « protégés ». Les autres, bien cravatés, climatisés, et choyés, poursuivent leur mission de détournement patriotique .
Quand la lutte anticorruption devient une loterie politique, difficile de savoir s’il s’agit de traquer les corrompus… ou simplement de faire le ménage parmi les indésirables.
Abdoul latif diallo
Journaliste d’investigation
Très très indépendant